Les combats littéraires

Dans le domaine lit­téraire, Octave Mir­beau a joué un rôle de décou­vreur et de jus­tici­er comme dans le domaine des arts plas­tiques. Refu­sant tous les éti­que­tages réduc­teurs, allergique aux théories et aux dogmes, réfrac­taire aux écoles, rebelle à tout embri­gade­ment, il a tou­jours préservé sa lib­erté de juge­ment et a fait de l’é­mo­tion la pierre de touche de l’œuvre. Cette ouver­ture d’e­sprit lui a per­mis d’ap­préci­er les auteurs les plus divers

UN CRITIQUE SOUS INFLUENCE

Mir­beau vouait une admi­ra­tion incon­di­tion­nelle à Jules Bar­bey d’Au­re­vil­ly. Ses pre­mières chroniques lit­téraires pub­liées à L’Or­dre de Paris, au Gaulois, dans Les Gri­maces et à La France tien­nent du pam­phlet mil­lé­nar­iste : comme son « illus­tre maître », il y dénonce la société du spec­ta­cle, les auteurs patentes, l’écrivain Bobèche, la cama­raderie et le mer­can­til­isme qui faussent le juge­ment, étouf­fent les grands, insul­tent les forts, il voue aux gémonies la lit­téra­ture indus­trielle, con­solante et sen­ti­men­tale : « Est-il pos­si­ble que notre lit­téra­ture soit à la mer­ci des igno­rances d’une poignée de cocottes, du par­ti-pris et du scep­ti­cisme d’une poignée de viveurs et de l’in­dif­férence d’une poignée de jour­nal­istes ? »
Il déteste encore le pseu­do-réal­isme érigé en sys­tème et cri­tique le nat­u­ral­isme béat d’écrivains « myopes » qui son­dent les reins des cuisinières. Ses phares sont du côté des sincères, des toniques et des appor­teurs de neuf : Val­lès, Goncourt, Tour­gue­niev, Renan, Rimbaud.

UNE NOTORIÉTÉ AU SERVICE DE LA VIE

Mir­beau accède à la notoriété en 1885–1886. Il écrit dans les plus grands jour­naux nationaux : Le Matin, Le Figaro, L’É­cho de Paris. Ses chroniques lit­téraires salu­ent ceux qui l’ont ému : Hugo, Élémir Bourges, Richep­in, Mal­lar­mé, Jean Lom­bard, le cri­tique Émile Hen­nequin. Il recon­naît en Ger­mi­nal une oeu­vre majeure. Surtout, il décou­vre Tol­stoï et a « la révéla­tion » de L’Id­iot de Dos­toievs­ki, « prodigieux livre », à « la psy­cholo­gie inquié­tante et vision­naire »..
Il mène cam­pagne con­tre les insti­tu­tions sclérosantes comme l’A­cadémie Française, « cette vieille sale », et con­tre les écrivains mondains qui, à l’in­star de Paul Bour­get, patau­gent dans le petit.

DE MAETERLINCK À LÉON BLOY

Mir­beau s’est imposé comme l’un des pre­miers cri­tiques de son temps. Ses chroniques, fort atten­dues, sont éton­nam­ment effi­caces : son arti­cle du Figaro, le 24 août 1890, suf­fit à lancer un incon­nu, Mau­rice Maeter­linck, dans le fir­ma­ment lit­téraire.
En entrant au Jour­nal en 1892, il dis­pose d’une audi­ence énorme, dont il se sert pour défendre les écrivains men­acés par l’au­to­cratie répub­li­caine : Alexan­dre Cohen, Félix Fénéon et Jean Grave. Il prend la défense d’Oscar Wilde sup­pli­cié par les tartuffes, et, plus tard, de Maxime Gor­ki. Il révèle Knut Ham sun, l’au­teur de la Faim, et se fait le cham­pi­on d’Ib­sen. Il apporte son appui à Paul Hervieu, Georges Roden­bach, Léon Daudet, Jules Huret, Ernest La Jeunesse, et surtout à Remy de Gour­mont, Mar­cel Schwob et Alfred Jar­ry. Plus tard, il sou­tien­dra Sacha Gui­t­ry et Adès et Josipovi­ci. C’est lui encore qui con­sacre à Léon Bloy et à La Femme pau­vre un arti­cle somptueux : Bloy, écrit il, « est en état per­ma­nent de mag­nif­i­cence ». 

« Je ne sais rien de M. Mau­rice Maeter­linck. Je ne sais d’où il est et com­ment il est. S’il est vieux ou jeune, riche ou pau­vre, je ne le sais pas. Je sais seule­ment qu’au­cun homme n’est plus incon­nu que lui et je sais aus­si qu’il a fait un chef‑d’œuvre. […] M. Mau­rice Maeter­linck nous a don­né l’œuvre la plus géniale de ce temps, et la plus extra­or­di­naire et la plus naïve aus­si, com­pa­ra­ble et – oserai-je le dire ? – supérieure en beauté à ce qu’il ys a de plus beau dans Shake­speare. Cette œuvre s’ap­pelle La Princesse Maleine. Existe-t-il dans le monde vingt per­son­nes qui la con­nais­sent ? J’en doute ».
Octave Mir­beau, Le Figaro, 24 août 1890

L’ACADÉMIE GONCOURT

Les huit pre­miers mem­bre de l’a­cadémie Goncourt en 1896 dont Octave Mirbeau

Choisi par Edmond de Goncourt en 1890, pour suc­céder à Zola, coupable de pos­tuler à l’A­cadémie Française, Mir­beau a fait par­tie des huit pre­miers mem­bres de la nou­velle académie, des­tinée à faire pièce à la « vieille sale » du quai Con­ti. D’emblée il a voulu qu’elle serve à hon­or­er les tal­ents mécon­nus et qu’elle récom­pense des œuvres que l’A­cadémie Française n’au­rait jamais pu recon­naître. À par­tir du pre­mier prix Goncourt, décerné en 1903, il a donc régulière­ment batail­lé en faveur d’écrivains orig­in­aux, pour la plu­part issus du peu­ple et désar­gen­tés : John-Antoine Nau, Charles-Louis Philippe, Émile Guil­lau­min, Paul Léau­taud, Valery Lar­baud (qui avait util­isé un pseu­do­nyme), Mar­guerite Audoux, Neel Doff, Charles Vil­drac et Léon Werth. Certes, aucun de ses pro­tégés n’a été couron­né. Mais chaque prix a été l’oc­ca­sion de batailles dont la presse s’est faite l’é­cho et qui ont con­tribué à asseoir leur répu­ta­tion. Là encore, Mir­beau s’est com­porté en jus­tici­er des let­tres.
En 1907, lorsqu’il a fal­lu élire un suc­cesseur à Huys­mans, il a don­né sa démis­sion pour impos­er l’élec­tion de Jules Renard con­tre Hen­ry Céard… et il a obtenu gain de cause !

La grève des électeurs

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Au sujet de : La grève des électeurs

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Le faux testament politique d’Octave Mirbeau

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