Octave Mirbeau
Dramaturge, écrivain, journaliste
Octave Mirbeau, né le 16 février 1848 à Trévières (Calvados) et mort le 16 février 1917 à Paris, est un écrivain, critique d’art et journaliste français. Il connut une célébrité européenne et de grands succès populaires, tout en étant également apprécié et reconnu par les avant-gardes littéraires et artistiques, ce qui n’est pas commun.
Journaliste influent et fort bien rémunéré, critique d’art défenseur des avant-gardes, pamphlétaire redouté, Octave Mirbeau est aussi un romancier novateur, qui a contribué à l’évolution du genre romanesque, et un dramaturge, à la fois classique et moderne, qui a triomphé sur toutes les grandes scènes du monde. Mais, après sa mort, il traverse pendant un demi-siècle une période de purgatoire : il est visiblement trop dérangeant pour la classe dirigeante, tant sur le plan littéraire et esthétique que sur le plan politique et social.
Le fourrier de l’art moderne
À la fin du XIX° siècle, pléthore d’écrivains s’adonnent à la « littérature d’art » ; les grands noms du roman viennent grossir les rangs des critiques, mais dans quels buts ? Est-ce par altruisme, par amour des peintres qu’ils admirent ? Ou ne s’agit-il que d’accroître leur renommée, en ajoutant une corde à leur lyre ? La réponse est bien loin d’être évidente ; une conception idyllique de « l’Art» – et non plus seulement des arts -, des amitiés solides qui se sont nouées, incitent les créateurs à croire qu’ils mènent un même combat pour la liberté et la modernité, contre le bourgeois et l’académisme. Mais chacun, avec ses mots et ses goûts, défend l’art qu’il admire et qu’il comprend, et la véritable critique, celle qui serait totalement « désintéressée », est rare : la tentation est plutôt d’étendre ses propres théories littéraires à la peinture, sujet d’inspiration ou exercice de style.
L’attitude de Mirbeau est à la fois peu commune et réellement courageuse. Même s’il a conscience que la littérature peut servir la peinture, il ne s’écarte jamais de son ambition initiale : la sanctifier. Chez lui, la peinture est une véritable passion. Non seulement elle comble ses espérances d’écrivain désabusé en « donnant plus que la plume », mais aussi elle lui permet de se racheter de ses compromissions journalistiques en aidant à promouvoir les hommes qu’il aime. Récusant la critique d’art conçue comme prétexte à littérature, il envisage ses écrits sur la peinture en amateur d’art et en mécène.
Mirbeau, dont le regard scrutateur est d’une grande acuité, fait de sa passion pour la peinture un acte de foi, de sa critique un sacerdoce. Doté d’un flair quasiment infaillible — Gustave Geffroy parle de « prescience » et Frantz Jourdain d’une « certitude un peu divinatrice » -, il pose sur l’art qui l’entoure un regard lucide. S’érigeant en chantre de l’impressionnisme, il souffle dans les trompettes de la renommée, entonnant pour ces peintres un hosanna retentissant. Certes, il est loin d’être le premier à défendre les « indépendants » – Duret, La forgue, Geffroy et quelques autres avaient déjà crié leur admiration -, mais sa voix de stentor a des échos plus pénétrants et sa prose des lecteurs plus nombreux. Journaliste phare à la fin du XIX° siècle, son audience est immense : un éloge de lui suffit à créer une réputation, une restriction à briser une carrière. Auteur admiré par le grand public, mais aussi esthète prisé par les artistes et les happy few, Mirbeau est un critique redouté et sollicité, car « il réussit, à maintes reprises, à mettre en lumière, malgré la malveillance ahurie des directeurs de journaux, des artistes ignorés ou méconnus ». Non seulement il sacre Monet, Rodin et Pissarro génies de leur siècle, ce qui n’est que justice et reconnaissance – bien qu’un peu tardive -, mais il lance aussi de jeunes peintres, comme Van Gogh ou Gauguin, attitude beaucoup plus méritoire. Alors qu’il se contente d’emboîter le pas en faveur des premiers, tout en accélérant l’allure, il porte le flambeau, ouvrant la voie, pour les seconds. En affirmant le caractère révolutionnaire de Cézanne et de Van Gogh, il se présente comme le fourrier de l’art moderne ; et, en donnant la primauté à la subjectivité et le droit de cité à « l’exagération », il annonce l’expressionnisme.
Ce n’est pas le moindre apport de Mirbeau que d’avoir affirmé avec force les droits de la subjectivité. À ce tournant du XIX° siècle, qui voit l’épuisement des critères dogmatiques, Mirbeau introduit dans la critique d’art une passion souveraine, faisant d’elle une autre forme de création. Dans le grand débat qui s’ouvrira bientôt entre les tenants de la peinture pure et les tenants de la peinture en tant que langage et qu’expression de l’intériorité, du tragique de l’intériorité, du tragique de l’inconscient, ces derniers – tels Malraux ou René Huyghe — se sont fondés à se réclamer de Mirbeau, autant peut-être que de Baudelaire, pour qui une oeuvre totale doit associer une dimension d’éternité à la modernité de la vision.
S’il est vrai, comme l’a dit Braque, que « l’art est fait pour troubler », Mirbeau aura été conscient de cette nécessité avant la plupart de ses contemporains. La conversion qui le mène de la défense intransigeante des pionniers (Monet, Cézanne…) à un plaidoyer en faveur des peintres du « sacré » (Gauguin, Van Gogh, les Nabis), le range aux côtés de ceux que préoccupe aujourd’hui l’intégrité de l’art, trop souvent soumis à notre époque d’expérimentations formelles, à des tentations réductrices. Son oeuvre de critique, avec ses excès, sa partialité, apparaît comme une mise en garde lucide contre ce qu’Ortega y Gasset appellera « la déshumanisation de l’art ».
ACADÉMISTES ET POMPIERS
« A voir le petit soldat se promener si triste, si seul, si nostalgique, il nous était permis d’inférer que, après les dures besognes et les douloureuses blessures de la journée, ses rêves de la nuit n’étaient ni de joie ni de gloire. M Detaille nous prouva que tels, au contraire, étaient les rêves du soldat français. Il nous apprit, avec un luxe inoui de boutons de guêtres, en une inoubliable évocation de passementeries patriotiques, que le soldat français ne rêve qu’aux gloires du passé, et que, lorsqu’il dort, harassé, malheureux, défilent toujours, dans son sommeil, les splendeurs héroïques de la Grande Armée, Marengo, Austerlitz, Borodino… »
Octave Mirbeau, L’Écho de Paris, 25 juillet 1889
A l’époque où Mirbeau se lance dans la critique d’art, la renommée des artistes est proportionnelle à leur reconnaissance par l’État, qui contrôle l’Académie et l’École des Beaux-Arts et le système des Salons annuels, avec jury et breloques en tous genres. En même temps qu’il promeut les artistes novateurs, Mirbeau, dès ses « Salons » de L’Ordre parus sous pseudonyme, démystifie « l’art officiel », ridiculise les « bazars à treize sous » que sont les Salons et la « Sainte Routine » qui y triomphe, et stigmatise le clientélisme des « jurys des bons amis ». C’est avec jubilation qu’il démolit les gloires usurpées et tourne en dérision Cabanel et Bouguereau, Meissonier et Carolus-Duran, Dagnan-Bouveret et Detaille.
Sixième note sur l’art : Edgar Degas
Edgar Degas ou l’art de la fugue… À côté des comparaisons musicales, Mirbeau développe, dans ce texte, un ardent plaidoyer en faveur du grand artiste, ignoré du public précisément à cause de son talent exceptionnel. À lire notamment les observations pertinentes sur la…
James Tissot, l’oublié de Nantes
Dans Ouest-France de lundi 6 juillet, page Cultures, on lit sur trois colonnes un article sur le peintre James Tissot (1836 – 1902), né à Nantes, titré “L’oublié de Nantes, star à Paris”, qui fait l’objet d’une exposition particulière au musée d’Orsay à Paris jusqu’au…
Cinquième note sur l’art : Puvis de Chavannes
Cette chronique, qui ouvre le cycle des présentations d’artistes que Mirbeau perçoit comme des génies de la peinture contemporaine, est consacrée à Pierre Puvis de Chavannes, peintre allégorique, « doux et grand poète ». À lire notamment de très belles observations…
Quatrième note sur l’art : le vol de propriété artistique
Cette chronique, consacrée au vol de propriété artistique, annonce toute une série de commentaires sur des artistes de talent – de génie selon Mirbeau – mais inconnus du public et non appréciés par la critique qui leur préfère leurs plats imitateurs. À noter – des…
Octave Mirbeau et Camille Pissarro
La passion que Mirbeau éprouve pour Pissarro est protéiforme : il admire le peintre sans réserve, et il aime l’homme comme un fils. Le critique voit dans cet artiste un guide spirituel, un modèle d’harmonie morale, dont il partage les idées anarchistes, le mépris des honneurs et des décorations, et aussi l’idolâtrie du culte de la nature. Plus qu’une simple estime, c’est une véritable et profonde amitié qui lie ces deux hommes.
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